mercredi 14 août 2013

Il est cinq heures ( Avec Dieu, ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup du diable.)



Au moment où, je l'ai vu, je n'étais pas certain de le voir.  Ah ce doute ! J'étais, encore moins certain , que c'était Lui. Tôt le matin, on ne voit pas bien. Il est cinq heures. La vie s'éveille.
Je marchais en essayant de voir, si je le voyais.  J'accélérai mes pas. Mais j'étais, toujours, trop loin et il faisait, toujours trop sombre. Ah ce doute! Est-t-il Lui ?
Et la lumière fut. Et je l'ai vu. C'était Lui. Heureusement que la lumière fut. J'étais content de ce fait, même si c'était, peut-être,  un pléonasme. Peu importe, mais il importe que je l'ai vu.
C'était bien Lui.
Il était au coin de la rue devant  ‘'Au bon coin ‘'.
Il se retourna vers moi et  vers ceux derrière moi et puis, il disparut ! Disparut de nos vues, de la vue de ceux qui me suivaient et de la mienne. C'est seulement comme ça qu'Il pouvait disparaître. Vu qu'il est éternel.  Sous condition qu'il existe.
Je me retourne, moi aussi, pour voir ceux qui me suivent , mais je n'ai vu personne. Il n'y avait personne derrière moi.
Devant moi, oui, oh oui, il y avait l'espoir de le voir et il y avait  vingt pas à faire jusqu'au  café : ‘'Au bon coin''.
Dès que j'ai franchi la porte du bistrot, je l'ai vu. Il était le seul client au comptoir. Il était le seul client tout court. Mais ce n'était pas Lui.   - Bonjour !  Un café !  puis, après une petite pause de politesse, je dis, l'avez-vous vu ?                                       
 Ma question s'adressait en même temps au bistrot et au seul client. Le seul avant mon arrivée. Rien. Ils se taisaient, tous les deux. Indépendamment, mais dans un silence commun.
-   Bon Dieu ! Dites-moi, simplement, si vous l'avez vu. Ce n'est pas compliqué. Bon dieu, l'avez-vous vu ?
-   Mais qui, finalement ? L'avons-nous vu qui, bon dieu ?
-   Oui, Bon dieu !



-   Ma foi, vous avez la foi, vous.  Mais non, nous ne l'avons pas vu .  Il paraît qu'il n'existe pas, alors le voir ... ici, dans le quartier, pas évident, pas vraie Belzy ?
Le bistrot riait de bon cœur. Belzy partageait son opinion ! Il y rajoutait la sienne, plutôt, et souriait ironiquement sous son chapeau noir de peintre de plein air. Il avait un étrange éclat dans ses yeux.
-   Il s'agit de la foi, seulement, parce que j'y travaille . Je veux, justement lui poser la question, s'il existait ou pas. A lui-même. Une question à la source. Comme je l'ai vu entrer ici,  je ne comprends pas comment ... tiens le voilà, il traverse la rue.
-   Cours-lui après, dit Belzy, le café est pour moi.
Je lui adressai un merci en claquant la porte que je franchis  en courant et sans me retourner. Les gens et les ouvriers marchaient dans les deux sens le long du trottoir. Je courais le regard fixé vers le passage commercial, de l'autre côté de la rue, dans lequel Il pénétra au moment même où, la porte du ‘'Au bon coin ‘' coupa le rire de Belzy,  en se refermant dans mon dos. -  Regarde où tu marches, bon sang !    me cria un homme, tu ne peux pas regarder où, tu marches ... il avala connard, après une estimation éclair de la différence de nos poids.
-   Je ne marche pas, connard, je cours !
Son estimation m'allait.
-   Je cours Bon Dieu, bon sang.
Quelqu'un me prit le bras. Une dame me souriait. Ce sourire a du avoir un charme  de séduction redoutable, il y a  six ou sept décennies.
-   Aidez-moi à traverser la rue, jeune homme.
-   C'est que je suis très pressé, moi. D'accord, mais alors vite fait. Courez àcôte de moi.
La vielle dame ne pouvant pas courir, bien évidemment, je l'ai portée en courant  ce qui l'amusa tellement qu'elle rigola c'est comme avec Jojo. - Merci, merci jeune homme, le  Bon Dieu vous le rendra, dit-elle quand je la posai par terre.
-   Pour ça, faudra, encore, que je le rattrape, madame.
J'étais à l'entrée du passage et je crus Le voir pénétrer dans un café de l'autre bout, à la sortie du passage sur la place d'Hôtel Dieu.   Dès que je franchis la porte de  ce café, ‘'La rotonde'',  je l'ai vu et j'ai su que ce n'était pas Lui.
-   Un café, je vous prie et dites-moi, s'il vous plait, si vous avez vu Bon Dieu.
-   Bon Dieu ? Pourquoi dites-vous Bon Dieu ? On ne dit jamais Mauvais Diable. On ne dit que Diable. Que diable ! Ou bien, dit-on : le Malin, Belzébuth, Lucifer. Pourquoi nous impose-t-on cette habitude linguistique, ou bien s'agit - il d'un obstacle érigé exprès, pour rendre impossible une juste discussion sur le thème Dieu, vérité théologique ou diabolique ... m'enfin, avec Dieu, ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup de l'Autre.
-Arrête Belzy, le bistrot réagit, on t'a demandé si tu l'avais vu. C'est tout.
-   Non, bien sûr que non. Le quartier connaît un chômage de 45%, deux tiers des enfants du Monde ont faim, les guerres ravagent la Terre depuis les nuits des temps, les gens vivent avec la peur au ventre devant une destruction de la planète, le garagiste du boulanger s'est tiré avec la tire et la femme de celui-là, alors la réponse est non, nous ne l'avons pas vu, votre Dieu, mais rien de personnel, Monsieur, et puis votre café est pour moi.  Il m'adressa un sourire. Son regard avait un éclat étrange sous sa casquette de baseball .
Je suis sorti, j'ai erré toute la journée. Je ne l'ai jamais revu. Dans un moment,  j'ai cru le voir parler avec un couple et entrer dans un taxi. Quand j'ai voulu leur demander s'ils savaient où, il était  parti, la fille éloigna son compagnon de moi :
-   Viens Belzy, je n'aime pas les gens qui posent des questions bizarres. Il prit la main de la fille et il me toura le dos pour l'emmener. Brièvement, je pus voir un petit éclat étrange dans son regard.
A la tombée de la nuit, je n'avais pas envie de rentrer à la maison.
Et si j'allais boire un coup avec quelqu'un ? Avec un passant que  j'arrêterai au hasard . Pourquoi pas ?
Un homme passa et je lui dis :
-Hé ! jeune homme ... ll continua sans se retourner.
-Hé ! Belzy.
I

Il se retourna.
-On boit un coup ensemble ?!
-Pourquoi pas ? Tu es Linceulot, c'est ça ?
-Oui .


Il me sourit. Il y avait, dans ses yeux, une étrange lueur.

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